Le cinéma français à travers les crises
Depuis son invention à la fin du XIXe siècle, le cinéma s’est généralement bien adapté aux crises, qui ont marqué son Histoire. Il a pu être en difficulté, censuré ou même interdit, mais l’inventivité des professionnels et l’envie du public lui ont toujours permis de retrouver le succès.
L’incendie du Bazar de la charité
Le cinéma avait tout juste deux ans lorsqu’il fait face à sa première crise. Le 4 mai 1897, un terrible incendie éclate, dans le Bazar de la charité organisé à Paris pour les bonnes oeuvres. Le feu a pris, dans la cabine de projection installée pour divertir les visiteurs attirés par ce spectacle d’un genre nouveau. Le sinistre coûte la vie à 129 personnes, surtout des femmes et des enfants.
Les séances du Cinématographe, comme on l’appelle alors, sont provisoirement interdites, mais reprennent bientôt. Les victimes étant majoritairement issues des milieux de l’aristocratie et de la bourgeoisie, celles-ci boycottent le cinéma. Mais sa diffusion à travers les fêtes foraines assure son succès, notamment dans les milieux populaires.
La Première Guerre mondiale
Au début du XXe siècle, la production française est particulièrement dynamique en faisant la première industrie cinématographique au Monde, grâce aux films et actualités des studios Gaumont et Pathé.
Mais le début du conflit en 1914 y met un coup d’arrêt brutal. Les comédiens et techniciens sont mobilisés. Les films d’actualité et de propagande sont étroitement encadrés par la censure.
Dépassé par la production américaine, le cinéma français ne trouve un nouveau souffle que dans les années 1930.
La « grippe espagnole »
Cette pandémie, apparue en fait aux États-Unis début 1918, ravage le Monde jusqu’en 1919, faisant de 20 à 100 millions de morts. Le pays généralise les mesures d’hygiène, comme le lavage des mains, le port du masque, la désinfection des lieux publics et des transports. Mais les écoles, les théâtres ou les cinémas restent ouverts en France, à l’exception de quelques villes de province. Cette crise sanitaire conduit à la création de ce qui devient par la suite le Ministère de la Santé.
À Hollywood, des stars tombent malade, d’autres succombent et 20 000 salles de cinéma sont fermées à travers tout le pays.
La Seconde Guerre mondiale
Juste avant le conflit, un grève paralyse l’industrie cinématographique française, pendant le premier semestre 1939. La fréquentation avait atteint un record de 452 millions de spectateurs en 1938, mais le milieu souffre de la crise sociale et de la concurrence étrangère.
Sous l’Occupation, la production française se poursuit difficilement, avec le tournage de 220 films, malgré le manque de pellicule, les coupures d’électricité, les alertes aériennes ou la censure. Cette période sombre produit cependant de grands classiques, comme Les visiteurs du soir (1942) ou Les enfants du paradis (tourné en 1943-44 et sorti en 1945), tous deux réalisés par Marcel Carné. La fréquentation atteint encore 304 millions d’entrées en 1943, les Français se réfugiant, dans les salles de cinéma pour oublier un quotidien particulièrement difficile. Les circonstances font que les films français représentent alors 85 % de parts de marché.
A la Libération, l’épuration touche aussi le milieu du cinéma, certaines vedettes étant poursuivies pour collaboration.
Les événements de mai 68
Le mouvement étudiant fait tache d’huile. Les écoles de cinéma sont occupées par leurs élèves. Les tournages sont interrompus. Les contestataires organisent des États généraux du cinéma réclamant notamment la suppression du C.N.C., certains parlant de l’incendier.
Le festival de Cannes ouvre le 10 mai. Des réalisateurs comme Claude Lelouch, Jean-Luc Godard ou François Truffaut, demandent son arrêt au vu des événements, qui touchent le pays. Les débats en salle de projection sont houleux et tournent même au pugilat. Des cinéastes décident de retirer leur film de la compétition. Des membres du jury démissionnent en signe de solidarité, avec la contestation. Le festival est finalement annulé cinq jours avant son terme. Il n’y eut donc pas de palmarès cette année-là.
Après les accords conclus entre les syndicats de techniciens et de producteurs, les tournages de films reprennent en juin, puis au cours de l’été.