Une ligne droite dans un monde qui tangue
Premier long métrage d’Antoine Besse, Ollie ne cherche pas à révolutionner le cinéma français, mais à y faire glisser quelque chose de plus rare : un regard doux et lucide sur des existences cabossées, dans une campagne silencieuse que le cinéma ignore trop souvent. À travers le portrait d’un adolescent en deuil et d’un adulte en perdition, le film creuse avec délicatesse ce que signifie tenir debout quand tout vacille — et le fait à hauteur de skate, littéralement et symboliquement.
Un duo solaire et fracassé
Pierre (Kristen Billon), 13 ans, vit un double effondrement : la mort de sa mère et l’échec du lien avec un père mutique, campé avec justesse par Cédric Kahn. En toile de fond, une ruralité frappée de plein fouet par la crise agricole. Bertrand (Théo Christine), ancien skateur désœuvré, marginal au passé trouble, devient pour lui un mentor inattendu. Entre ces deux paumés de génération différente se tisse une relation forte, tout en regards retenus, en gestes esquissés. Les deux comédiens, chacun à sa manière, incarnent une faille — et la lente reconstruction qui peut en jaillir.
Le skate, une métaphore du lien
Pas besoin d’être fan de tricks pour entrer dans Ollie. Ici, le skateboard n’est ni posture ni folklore, mais langage. Une planche pour avancer, pour tomber, pour recommencer. Dans une campagne où il n’y a rien à faire et personne à qui parler, le skate devient une échappée. Un mouvement contre l’ennui et la douleur. Besse, déjà auteur du très remarqué Le skate moderne, continue d’explorer ce sport comme terrain d’expression intime et sociale. Et c’est peut-être là la plus belle réussite du film : l’élégance avec laquelle il fait de cet objet urbain un outil de résilience rurale.
Une mise en scène discrète et sensible
Ollie ne fait pas de bruit. Il laisse place aux silences, aux visages, à la lumière naturelle. Antoine Besse filme à hauteur d’ados, au plus près du réel, avec une tendresse documentaire qui rappelle Gus Van Sant ou Chloé Zhao. Peu d’artifices, mais beaucoup d’attention. Les scènes s’enchaînent sans démonstration, parfois trop doucement peut-être — le film souffre de quelques longueurs et d’un classicisme de structure un peu trop sage. Mais sa sincérité compense largement ses hésitations.
Quelques limites… et beaucoup de promesses
On pourra regretter certains choix narratifs attendus, une galerie de personnages secondaires parfois schématique, et surtout, une absence presque totale de regard féminin dans ce monde masculin fracturé. Mais Ollie reste un premier film profondément attachant, habité par une envie de raconter ceux qu’on ne filme jamais : les ados de la cambrousse, les adultes cabossés, les liens invisibles qui nous sauvent parfois la vie.
🎟️Note : 3,5/5
Ni manifeste social, ni feel-good movie, Ollie est un film discret mais profondément humain, dont la simplicité cache une vraie intensité émotionnelle. Une première œuvre imparfaite, mais authentique et nécessaire. Avec Ollie, Antoine Besse livre un film modeste mais plein de cœur, qui laisse entrevoir un cinéaste sensible au réel, aux marges, aux silences. Le skate, ici, ne sert pas à briller mais à survivre — et c’est tout l’art de ce film qui glisse, tombe, se relève, et continue d’avancer. Un coup d’essai, un coup de cœur.