Cinéma | Critiques
Critique : Another End — amour, mémoire et bug existentiel

critique-cinema-anotherend-ensalle

Un point de départ brillant… et un GPS émotionnel déréglé

Avec un pitch digne d’un épisode de Black Mirror croisé avec Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Piero Messina plante d’emblée un décor fascinant : dans un futur proche, une entreprise propose aux endeuillés de « revivre » un être cher, en implantant sa mémoire dans un hôte vivant, pour une période limitée. On frissonne. On est curieux. On s’attache à Sal (Gael García Bernal), homme en miettes depuis la perte de Zoé. Et puis… le scénario commence à bafouiller, à répéter ses mots, comme un programme mal codé. Ce qui devait être un voyage bouleversant dans les tréfonds du deuil devient un labyrinthe d’idées un peu paumées.

Une mise en scène d’une beauté clinique

Visuellement, c’est superbe. Décors aseptisés, teintes bleu-gris, atmosphère ouatée où la douleur flotte comme du brouillard. La caméra épouse l’errance intérieure de Sal, errant dans une réalité modifiée sans jamais vraiment reprendre pied. Renate Reinsve, dans une double performance (Zoé/Ava), brille autant par sa présence que par ses absences, et Bérénice Bejo, en sœur protectrice, est d’une justesse émotive constante. Mais ce beau vernis peine à camoufler les failles du récit, qui semble vouloir parler de tout — le deuil, le consentement, le transhumanisme, l’amour — sans vraiment creuser rien à fond.

Quand l’intime flirte avec le gadget

Le dispositif technologique n’est jamais clairement expliqué — et ce n’est pas un problème en soi. Mais à force de mystères flous et de scènes cryptiques, le spectateur finit par ressentir la technologie comme un simple prétexte, pas comme un moteur narratif. Le film bascule alors vers une romance trouble, entre Sal et l’hôte d’Ava, sans oser vraiment aborder les questions morales soulevées par cette interaction. On voulait pleurer avec lui. On finit par lever un sourcil.

Un final aussi élégant qu’inutile

Le troisième acte tente un twist existentiel, mais plutôt que de sublimer le propos, il vient embrouiller une intrigue déjà vaporeuse. On comprend que Messina veut dire quelque chose sur la perte, le besoin de ne pas lâcher, la mémoire comme piège… mais l’émotion s’est perdue en chemin, comme un fantôme de sauvegarde corrompu.

🎟️Note : 3/5

Piero Messina signe une œuvre étrange et fragile, au charme certain mais au récit désaccordé. Si vous aimez les films qui vous laissent plus de questions que de réponses, vous serez comblé. Sinon, préparez-vous à sortir de la salle un peu frustré, en vous demandant si l’on peut vraiment ramener les morts à la vie… ou si ce ne sont pas nos souvenirs qui, eux, finissent par nous hanter.