Avec Le Répondeur, Fabienne Godet nous propose une comédie douce-amère où la voix devient le nouveau terrain de jeu des relations humaines. Imaginez un peu : un écrivain au bout du rouleau (Denis Podalydès) engage un imitateur un peu paumé (Salif Cissé) pour répondre à ses appels. Un pitch qui sent bon l’absurde à la française, quelque part entre Marivaux sous Prozac et un épisode de Black Mirror sous Lexomil.
Le pitch : un stratagème plus tordu qu’un scénario de série Netflix
Pierre Chozène (Podalydès), prix Goncourt 2009 (prenez ça, Marie Ndiaye !), rêve d’un truc improbable pour se concentrer : ne plus répondre à son portable. Plutôt que de résilier son abonnement (ce serait trop simple), il embauche Baptiste, imitateur de stand-up (Cissé), pour prendre sa voix et répondre à sa place. Et hop, le répondeur humain est né. Ça aurait pu virer au vaudeville de camping, mais heureusement, Fabienne Godet préfère les silences feutrés aux claquements de porte.
Salif Cissé : le nounours le plus imprévisible de la comédie française
Salif Cissé, qu’on avait déjà repéré dans À l’abordage, incarne Baptiste avec une bienveillance confondante. À tel point qu’on aimerait bien l’embaucher pour répondre à nos parents quand ils appellent le dimanche matin. Sa douceur et son espièglerie apportent un contrepoint idéal à la voix grave et nasillarde de Podalydès, dont on dirait qu’elle a été conçue exprès pour être imitée. Un match parfait !
La voix, un terrain de jeu… et de perdition
Ici, la voix n’est pas seulement un outil : c’est une arme de construction massive. Entre les imitations bluffantes (merci Michaël Gregorio et les ingénieurs du son) et les quiproquos téléphoniques, le film avance mine de rien vers une réflexion plus profonde sur l’identité. Peut-on être soi-même quand on parle avec la voix d’un autre ? Peut-on devenir un autre pour mieux exister ? Godet filme cette question avec la délicatesse d’une broderie, préférant les interstices aux éclats de rire tonitruants.
Une comédie douce et piquante à la fois
Certes, le film n’exploite pas toujours à fond son potentiel comique. On aurait aimé un peu plus de folies, de situations absurdes (un concours d’imitation en finale, par exemple). Mais on pardonne vite car Le Répondeur trouve le ton juste entre la comédie et l’émotion. Les silences, les regards, les respirations : tout compte ici. Un peu comme si Fabienne Godet avait décidé de nous rappeler qu’on ne naît pas avec une voix, on l’apprend.
🎟️Note : 4/5
Le Répondeur est un film qui, sous ses airs de comédie douce, nous laisse un petit goût amer, comme un message qu’on aurait oublié d’effacer sur notre propre boîte vocale. Fabienne Godet signe là un film tendre, un peu absurde, souvent touchant. Et on se dit qu’on aimerait bien, nous aussi, engager Baptiste pour répondre à nos appels. Ne serait-ce que pour entendre une voix qui nous comprend. Une comédie française atypique, portée par deux acteurs irrésistibles, qui nous rappelle qu’une voix, ça se prête… mais que la vie, elle, ne se double pas si facilement.