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Critique : The Phoenician Scheme — Wes Anderson règle ses comptes

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Pour son douzième long-métrage, Wes Anderson nous embarque dans une nouvelle aventure : The Phoenician Scheme, une fresque familiale aussi baroque qu’extravagante, où un magnat à la moralité variable (Benicio Del Toro, irrésistible) tente de sauver son empire tout en renouant avec sa fille nonne (Mia Threapleton). Sur le papier, on dirait un mélange de Succession sous LSD et de La Vie aquatique revisité en mode thriller. Bonne nouvelle : Anderson livre un film à la fois surprenant, imparfait et souvent hilarant, qui montre qu’il a encore quelques cartouches (colorées) dans son barillet.

Le style Anderson : toujours aussi ciselé… mais un peu plus piquant

On ne va pas se mentir : Wes Anderson n’a pas décidé de révolutionner son style (cadrage millimétré, plans fixes façon catalogue IKEA pour cinéphiles), mais il en a profité pour le dynamiter de l’intérieur. Oui, on retrouve toujours ses fameux décors pastel, mais ici ils servent parfois de ring pour des règlements de comptes à la grenade – littéralement. Zsa-Zsa Korda distribue ces engins explosifs avec autant de naturel qu’un vendeur de tupperware, rappelant à quel point Anderson sait marier le burlesque et le macabre.

Une intrigue qui fait du surplace… mais avec panache

On le sait, Anderson adore les histoires à tiroirs. Ici, on est servi : chaque scène est un petit théâtre de marionnettes, où les personnages sont tour à tour flanqués, dégommés, ressuscités et jugés par un tribunal céleste (Bill Murray en juge suprême, bien sûr). C’est à la fois drôle et un peu laborieux, mais heureusement, Michael Cera en assistant lunaire vole la vedette avec son accent improbable et son flegme d’entomologiste coincé.

Benicio Del Toro : le plus grand rôle comique d’Anderson ?

Benicio Del Toro (Zsa-Zsa Korda) se taille la part du lion : mi-Elon Musk, mi-Roi Lear, il joue les magnats auto-parodiques avec un mélange de dignité et de ridicule assumé. Sa relation avec sa fille, nonne et future héritière, est un bijou d’ironie et d’émotion contenue, dans la droite lignée des pères dysfonctionnels chers à Anderson. Il faut le voir offrir une grenade comme on offrirait une boîte de chocolats, le tout avec un sourire désarmant.

🎟️Note : 3/5

The Phoenician Scheme est peut-être l’œuvre la plus schizophrène d’Anderson : à la fois pastiche de son propre cinéma et tentative d’en exploser les coutures, il oscille entre la mécanique bien huilée et le joyeux chaos. Le film n’est pas parfait : certaines scènes tournent à vide, la structure en segments sent parfois le recyclage, et la touche d’émotion est parfois coincée derrière une vitre teintée. Mais paradoxalement, c’est là que réside son charme : Wes Anderson, cinéaste-collectionneur, dynamite ses propres bibelots, avec le sourire en coin.

On sort de la projection avec la sensation d’avoir assisté à un mariage improbable entre Asteroid City et The Royal Tenenbaums, célébré par un clown triste qui aurait trouvé un pétard sous son oreiller. Un film imparfait mais attachant, drôle et décalé, qui prouve qu’Anderson, même quand il recycle, arrive encore à nous surprendre. Longue vie au roi du cadre symétrique et des plans pastel !