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Critique : Tu ne mentiras point – Cillian Murphy face à la noirceur… du charbon et du clergé.

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Parfois, ce ne sont pas les super-héros qui sauvent le monde, mais un livreur de charbon avec une conscience. Et dans Tu ne mentiras point, adaptation du roman Small Things Like These de Claire Keegan, ce livreur s’appelle Bill. Il est irlandais, il vit dans les années 80, et surtout, il a le charisme taciturne de Cillian Murphy. Spoiler : il ne sauve pas vraiment le monde, mais il essaie déjà de sauver un peu de son âme. Ce qui n’est pas rien quand on découvre qu’un couvent local fonctionne plus comme une prison de Dickens que comme une maison de Dieu.

C’est Noël. Il fait froid. Il fait gris. Et ce n’est pas un pull en laine qui va réchauffer ce qu’on découvre derrière les murs du couvent. Car oui, le film est une plongée dans les blanchisseries Magdalene, ces établissements où l’Église enfermait des jeunes filles pour les « redresser ». Mais plutôt que de plonger dans le misérabilisme ou le pathos forcé, Tim Mielants choisit la pudeur, la suggestion, et une caméra qui s’attarde plus sur les silences que sur les cris.

Et si vous pensiez que Cillian Murphy allait nous refaire le coup du regard ténébreux qui sauve l’univers (coucou Oppenheimer), détrompez-vous. Ici, il joue un homme banal, qui doute, qui traîne sa dépression comme un vieux manteau élimé, et qui finit par voir l’inacceptable. Pas d’explosion nucléaire, juste le frisson de l’horreur banalisée.

Ce qu’il faut saluer :

  • La direction d’acteurs. Cillian Murphy n’a pas besoin de parler pour qu’on comprenne. Emily Watson, en nonne glaçante mais subtile, n’a pas besoin de lever la voix pour faire peur.

  • Le traitement du sujet. Pas de voyeurisme. Pas de discours appuyé. Juste la gravité d’un silence collectif assourdissant.

  • La mise en scène. Esthétiquement sobre, avec des teintes gris charbon (logique), une lumière qui hésite entre le matin blafard et le crépuscule moral.

Ce qu’on pourrait chipoter :

  • Le film est un anti-blockbuster absolu. Si vous aimez les envolées musicales, les discours à genoux sous la pluie et les grands monologues, passez votre chemin. Ici, on se tait, on pense, on souffre doucement.

  • Le récit avance lentement, très lentement. Le premier acte est presque une sieste cinématographique, mais c’est voulu. Cela rend le réveil d’autant plus brutal.

Verdict :

Tu ne mentiras point ne hurle jamais. Il murmure, il grince, il serre la gorge avec élégance. Un film courageux, intelligent, qui choisit de ne pas vous offrir de catharsis — parce que la vraie horreur, c’est de savoir que tout cela a existé, sans fin hollywoodienne. Alors, Bill, héros ? Mauvais père ? Juste un homme qui essaie ? À vous de juger.

🎟️ 4/5 : pour la justesse, la retenue, et parce que parfois, un film sans grande musique, sans gros plans sur des larmes et sans discours final change plus que mille autres.