« La Cérémonie » de Claude Chabrol

« La Cérémonie », le film de Claude Chabrol nous est proposé sur Netflix. C’est l’occasion de nous replonger au cœur d’un drame annoncé. Cette adaptation du roman « L’analphabète » de Ruth Rendell est à n’en pas douter, l’un des meilleurs films de Claude Chabrol. La lutte des classes constitue l’épicentre de ce récit, il aborde également à cette occasion un sujet très rarement traité au cinéma, celui de l’analphabétisme.

Ce scénario passionnant de bout en bout récompense Isabelle Huppert du César de la meilleure actrice, certains envisageaient plutôt que ce soit Sandrine Bonnaire, également nominée pour ce prix, tellement elle avait réussi à retranscrire la frustration et le sentiment d’infériorité ressentis par son personnage. Notons que la cérémonie concourait également pour les Césars du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario, preuve en est qu’après trente-sept années de carrière de réalisateur et une multitude de films, Claude Chabrol pouvait encore livrer de grands moments de cinéma.

Le film raconte l’histoire d’un couple bourgeois à la parfaite éducation, les Lelièvre, qui viennent d’engager une jeune bonne, afin de les aider à tenir leur grande maison isolée dans la campagne bretonne. Sophie, (Sandrine Bonnaire), dure, fermée et presque toujours silencieuse, déroute ses employeurs par son comportement, bien que son service soit irréprochable. Au village, elle rencontre Jeanne, une postière curieuse, envieuse et délurée (Isabelle Huppert). Bientôt, les deux femmes avouent partager la même haine pour les Lelièvre. Leur amitié va déclencher une série de drames. Elles se découvrent également un passé commun : toutes les deux, en effet, ont été jugées pour meurtre.

Jeanne a brutalisé sa petite fille qui en est morte « par accident » selon ses dires. Le père de Sophie est mort dans l’incendie de sa maison auquel Sophie n’est pas étrangère. A la suite du récit de ces petits meurtres en famille, de ces secrets qu’elles partagent entre fou rire, chatouilles et fricassée de girolles, elles déclarent « on va aller faire le bien, ça nous changera ! ».

Le film se termine par une tragédie. Un soir, les Lelièvre ont décidé de profiter en famille d’un opéra diffusé à la télévision et Mélinda, leur fille, l’enregistre sur son magnétophone. Sophie pénètre dans la maison avec Jeanne qui la pousse à commettre l’irréparable : le massacre de la famille avec le fusil de chasse du père. « On a bien fait ! » dit Jeanne et elles se séparent comme si de rien n’était. Mais, la postière qui quitte les lieux en voiture, ne va pas bien loin, son véhicule tombé en panne est percuté par la camionnette du curé. Les gendarmes retrouvent près d’elle le magnétophone de Mélinda qui a enregistré la scène et qui accuse les deux amies…

La hiérarchie est la base du conflit entre le duo et les Lelièvre. On assiste à la confrontation de deux milieux sociaux, d’un côté les patrons, de l’autre les employés. La France d’en haut, la France d’en bas et une imparable montée du désir de revanche sociale chez les deux comparses.

Ce scénario est inspiré de plusieurs faits divers dont celui des sœurs Papin. Christine et Léa Papin travaillent au service de la famille Lancelin comme employées de maison. Le 2 Février 1933, une altercation entre Christine, l’aînée des deux sœurs, et la maîtresse de maison éclate. La dispute se calme jusqu’au retour de Madame Lancelin et de sa fille Geneviève, la querelle redémarre entre la bonne et sa patronne. La femme et la fille de l’employeur sont énuclées et assassinées par les frangines, avec une cruauté inouïe, les cranes fracassés.