Les films du patrimoine : La leçon de piano

« La leçon de piano » est un film Franco-Australo-Néo-Zélandais réalisé par Jane Campion, sorti en 1993. C’est une adaptation du rom de Jane Mander « Histoire d’un fleuve en Nouvelle-Zélande ». Il est le premier et seul film réalisé par une femme, à avoir remporté la Palme d’or du Festival de Cannes.

Une femme, deux hommes, un piano, le désir, sous une mélodie entêtante et envoûtante, des images qui restent gravées dans la mémoire, des sensations qui dépassent l’histoire, des acteurs qui disparaissent derrière leur personnage, une narration qui emporte au-delà de la fin du film font de « La leçon de piano » un grand film. Palmé, oscarisé, xésarisé, en 1993 et 1994.

On y découvre Ada Mc Grath (Holly Hunter), engoncée dans ses lourds vêtements noirs du milieu du XIXe. Cette jeune femme muette, mère célibataire, passionnée de musique débarque avec Flora, sa fille âgée de neuf ans, sur une plage de Nouvelle-Zélande où elle doit épouser Alistair Stewart, un colon qu’elle ne connait que par courrier. Le voyage pour rejoindre la ferme sur les chemins boueux est difficile et Stewart préfère se séparer du piano auquel elle tient tant sur une plage. Le piano échoue chez un voisin illettré, frustre travailleur, proche des Maoris qui comprend vite que ce piano est indissociable d’Ada. Il lui propose alors un marché, regagner son piano touche par touche, en se soumettant à ses fantaisies.

Cette réalisation au sujet original est esthétiquement superbe, et le visage de l’actrice principale Holly Hunter est magnifiquement mis en valeur. Cette œuvre magistrale et très aboutie, mêle donc mélancolie, amour et musique avec originalité. « La leçon de piano », unique en son genre, joue dans la cour des grands. Véritable chef d’œuvre, ce drame passionnel réussi à faire rimer amour et piano dans une histoire bouleversante où, mélodie et émotions s’entrelacent. Emouvant, bouleversant même, ce film travaillé à l’extrême prouve une nouvelle fois qu’amour et cinéma peuvent se combiner à merveille, sans pour autant déraper dans la caricature romantique ou la vulgarité artificielle. Jane Campion ne réalise pas un pamphlet contre les conditions sévères de vie de la gent féminine à cette période, elle se penche sur la naissance d’une passion dévorante qui bouscule sans commune mesure l’ordre établi.

« Par ses paysages et son style épique, le film se rattache au genre romantique. Toutefois, je sentais qu’il fallait traiter les personnages avec réalisme. Nous ne devions à aucun moment sombrer dans le conte de fées ou le romanesque échevelé. Dans des récits de ce type, les héroïnes sont toujours d’une beauté parfaite. Je voulais que le physique très réaliste des acteurs contredise le cliché. » détaille Jane Campion.

Ce film s’inscrit totalement dans la thématique féministe de l’œuvre de la cinéaste, de ses heroÏnes marginales en quête de liberté et d’affranchissement dans un monde d’hommes. Découvrant leur nature profonde et la profondeur de leurs aspirations souvent à leur dépens. Si Jane Campion avoue adorer les sœurs brontë et en particulier, « Les Hauts de Hurlevent », c’est plus pour son atmosphère visuelle tourmentée, poussée par la fureur du climat et des éléments, que dans son traitement des personnages. Le piano devient une voix, une libération pour exprimer ses désirs. C’est une idée magnifique que cette vision d’un piano qui prend littéralement la parole, des touches blanches qui, effleurées ou tapées, viennent traduire ce besoin du corps, cette sensualité que la bouche ne peut avouer.

Nominé à huit reprises aux Oscars de 1994, « La leçon de piano » est reparti avec trois statuettes : celle du meilleur scénario original, de la meilleure actrice pour Holly Hunter et de la meilleure actrice dans un second rôle pour Anna Paquin. Le film de Jane Campion a également remporté le César du meilleur film étranger la même année.