Tilo Koto : quand la peinture devient une échappatoire !
“Tilo Koto”, ou “sous le soleil” en mandingue retrace l’histoire de Yancouba Badji de sa Casamance natale à la Tunisie où il s’est échoué à défaut de pouvoir passer la frontière européenne. Un opus puissant à travers lequel il raconte son long périple sous le soleil, son voyage mais également sa détention en Libye sous le regard de Sophie Bachelier et Valérie Malek, les réalisatrices, et à travers ses tableaux, un passe-temps qui lui a permis de ne pas sombrer malgré les différentes épreuves qu’il a traversé.
En fait, ce long-métrage a pour vocation de raconter l’histoire du protagoniste dans les moindres détails sans artifices et en montrant réellement l’envers du décor afin d’alerter sur les dangers du voyage clandestin. De nos jours, nombreux sont les africains qui décident de fuir leur pays en quête d’une vie meilleure toutefois, selon les Mandingues « si tu prends un chemin qui ne mène nulle part, tu dois retourner d’où tu viens ».
Cette quête les a tous menés en Libye, quel que soit leur pays d’origine. Yancouba s’est promis de ne plus jamais y mettre les pieds et si ce n’est pas lui qui le dit explicitement, ce sont ses tableaux qui parlent à sa place. En effet, il raconte à travers chacun d’entre eux le silence et les larmes de ses compagnons. Lorsqu’il arrive en Tunisie, ou il partage avec d’autres jeunes hommes, migrants comme lui un foyer d’accueil à quelques kilomètres de la frontière Libyenne, on découvre leur mode de vie ou plutôt de survie. Le long métrage insiste sur les émotions de ces derniers et sur leurs visages fermés.
Et si les images sont extrêmement puissantes comme on peut le voir à travers les récits nocturnes de Yancouba ou son visage en gros plan en clair-obscur, les tableaux n’en demeurent pas moins tout aussi marquants. En fait, les images font écho aux propres tableaux du protagoniste qu’il arbore de couleurs franches où les corps des migrants sont représentés par des formes noueuses et soulignés par des traits sombres.
Les tableaux de Yancouba font finalement écho aux tableaux de torture de par les traits rouges qui racontent les horreurs subies par les migrants dans les prisons libyenne. On peut y voir des hommes enchaînés ainsi que des femmes violentées. Et contre toutes attentes les femmes ne sont pas seulement la proie des Libyens mais également celles des migrants eux-mêmes. Le long-métrage fait un zoom sur l’un des nigériens. Ce dernier raconte l’histoire de Rose-Marie, battue à mort par les gardiens libyens. Mais ce n’est pas la seule référence du long-métrage sur le sujet des femmes battues. On peut également apercevoir une toile intitulée Lapa Lapa représentant un bateau rempli de visages dont on ne voit que les yeux, agrandis par la peur. « Tu ne vois que les yeux parce que tout le monde a peur », rit ce dernier, parce qu’au bout, ils savent qu’il y a « soit l’Italie, soit la prison, soit la mort » raconte Yacoumba. avant de mentionner que ce bateau du diable s’est finalement retrouvé à l’eau.
Le protagoniste retrouve finalement dans la peinture une sorte d’échappatoire, un moyen de panser ses plaies. En exorcisant les souvenirs qui lui font du mal et en les racontant sur le tissu, il trouve en fait une sorte de réconfort. A travers ses œuvres, il raconte comment sa mère à perdu deux frères en Libye par exemple.
Dans le film, tous les personnages sont des hommes jeunes. Sur les tableaux de Yancouba, beaucoup de personnages masculins aussi. Nous vous laissons découvrir pourquoi au sein du film.
« Si j’avais su ce qui m’attendait, je ne serais pas parti », raconte Yancouba. Il évoque son projet de créer un centre culturel, de construire quelque chose chez lui c’est d’ailleurs pourquoi dans l’une des dernières scènes du film, on le voit organiser une projection dans son village de Casamance à la nuit tombée.
Peindre pour ne pas faiblir !