Un film, une histoire : « Le nom de la rose », enquête moyenâgeuse au monastère
En l’an 1327, dans une abbaye bénédictine, des moines disparaissent. Un Franciscain, Guillaume de Baskerville, aidé du jeune novice Adso Von Melk mène l’enquête. Plongeons-nous dans le contexte, c’est l’époque où l’église, alors en pleine crise, se voit disputer son pouvoir spirituel et temporel dans une période où l’inquisition est à son apogée.
Lorsqu’il termine son chef d’œuvre en 1986, Jean-Jacques Annaud est l’un des réalisateurs les plus appréciés. La réussite de ce film ne doit pas tant à ses effets spéciaux ou à des rebondissements inattendus, mais plutôt par sa facilité à nous captiver du début à la fin, alors que l’intégralité du scénario se déroule dans une Abbaye du XIVème Siècle.
C’est en feuilletant un article du Monde, que le metteur en scène découvre ce roman, après lecture du livre, il envisage de l’adapter. Lors d’un trajet entre Paris et Roissy-Charles De Gaulle, alors qu’il conduit Umberto Eco, le cinéaste tente de convaincre l’écrivain de lui confier l’adaptation de son roman. « Je ne veux pas vous demander la permission d’adapter votre roman, je veux que ce soit vous qui me demandiez de réaliser le film. Je photographie des monastères depuis l’âge de 11 ans, mais je suis athée, je lis Aristote dans le texte et je suis passionné par le Moyen-Age… ».
Face à l’absence d’une réponse, le Cinéaste ajoute : « Savez-vous de quelles couleurs étaient les cochons au XIVème Siècle ? De quelles matières étaient faites les chaussures des moines ? Moi, je le sais. Parce qu’en tant que Cinéaste, il va falloir que je les montre à l’écran, alors j’ai tout étudié ! ».
Le Romancier acquiesce et le laisse adapter son œuvre sur grand écran. « C’est mon livre, c’est maintenant votre film ! Si vous voulez en faire une comédie musicale, faites-la ! ».
Umberto Eco, l’intellectuel Italien dont Le Nom de la Rose publié en 1980 est le premier roman, est principalement connu des cercles universitaires par ses nombreuses recherches en Sémiologie et en Philosophie. Il aurait écrit cette histoire pour ses étudiants, afin de rendre l’enseignement de la scolastique plus amusant.
Ce récit aux allures de Thriller relatant l’histoire de Guillaume de Baskerville, Franciscain du XIVème enquêtant sur les morts suspectes de Moines Bénédictins, lui permet de multiples digressions savantes sur une époque, ses interdits et ses croyances, afin d’amuser son lecteur. Mais le succès ne se résume pas à la salle de classe, il conquit le Monde et s’écoula à plusieurs millions d’exemplaires.
Annaud doit désormais débloquer les droits et chercher des investisseurs, il insiste sur le côté Polar de cette adaptation pour ne pas effrayer d’éventuels financiers quant au contenu de ce cours de sémiologie déguisé en intrigue, ce qui a le mérite de fonctionner.
Bernd Eichinger, le producteur Allemand qui a notamment distribué La Guerre du Feu outre Rhin, est séduit par le projet et décide de tenter l’aventure.
Une année est nécessaire à Jean-Jacques Annaud pour peaufiner son script, il voit à cette occasion défiler du beau monde dans son bureau. Il envisage de proposer le rôle de Guillaume de Baskerville à Michael Caine, mais un jour, Sean Connery intéressé par le rôle se présente avec le script sous le bras. Après avoir récité quelques répliques, il émeut le réalisateur qui décide alors de l’engager.
L’ambiance à Hollywood est différente. « À Los Angeles, les gens nous écoutaient en silence jusqu’à ce que nous évoquions le Nom de Sean Connery. Ils se réveillent blêmes et nous mettent gentiment à la porte. Ils le trouvaient ringard. James Bond en Moine, ça ne passait pas ». La Fox va s’engager, non sans appréhensions, mais au bout du compte, le film triomphe partout. Sauf… Aux Etats-Unis.
La préparation du film cause bien des soucis au metteur en scène, il visite des centaines de monastères sans trouver la perle rare. La décision est donc prise de construire l’immense Abbaye du Film et ses dépendances de toutes pièces sur une colline proche de Rome. Afin de ne rien laisser au hasard, il convoque des spécialistes du Moyen-Age, archéologues, historiens. Le tournage est émaillé de quelques incidents, un jour une poutre factice tombe sur la tête d’un acteur, qui trouve encore la force de se renseigner si la prise est bonne. Une autre fois, la moitié des caméras qui doivent filmer et immortaliser l’incendie final dans la bibliothèque ne se déclenchent pas. Ce qui n’empêche pas le tournage de se terminer harmonieusement.
Le film est un triomphe public, comme l’avait également été le roman, et sera maintes fois diffusé à la télévision.