Un film, une histoire : « Les Diaboliques » !
Un drame psychologique réalisé par Henri-Georges Clouzot, avec Simone Signoret, Véra Clouzot, Paul Meurisse. Un scénario exaltant, un film encensé, mais le tournage a été empoisonné par le réalisateur.
Henri-Georges Clouzot, né en 1907, se préparait à entrer dans la marine, mais il fut refusé pour cause de myopie. Il débute comme journaliste et travaille à Paris midi. Il commence au cinéma comme scénariste et assistant réalisateur. Sa carrière de réalisateur démarrera réellement en 1942 avec le film « L’assassin habite au 21 ». En 1954, Clouzot est un cinéaste important, mais à 46 ans, il veut surprendre le public. Pas évident après (Le Salaire de la Peur), sorti en 1953 qui fut un véritable triomphe, avec sept millions de spectateurs, une Palme d’or à Cannes et un Ours d’or à Berlin.
Alors que le réalisateur est toujours à la recherche d’un scénario pour son prochain film, sa femme Véra lui met entre les mains, le deuxième livre écrit par Boileau et Narcejac. L’histoire est celle d’un représentant de commerce qui se laisse convaincre par sa maitresse d’empoisonner sa femme. Mais à l’issue d’une mise en scène destinée à faire croire à un accident, le corps présumé sans vie de l’épouse, s’est volatilisé. « A la moitié du bouquin, j’avais découvert le truc. Véra me dit : continue ! A 4h du matin, je finis le bouquin, à 9h30, j’avais acheté les droits. » racontera plus tard Clouzot.
Le cinéaste est littéralement fasciné par ce livre qui gravite autour de la thématique du mal et de sa tentation, une obsession qui court à travers ses propres films. Il s’affaire à l’écriture du script, l’action aura lieu dans un pensionnat de garçons et le triangle meurtrier sera inversé. Il réserve le rôle principal de son adaptation à sa femme Véra Clouzot, qui n’avait bénéficié que d’un tout petit rôle dans Le Salaire de la Peur. Le rôle de la maitresse est confié à Simone Signoret, une amie de la famille Clouzot. « Clouzot avait surtout besoin d’une actrice qui ne fût pas une étrangère pour Véra. Elle n’était pas comédienne du tout et il préférait qu’elle travaille avec une copine… En famille, quoi. » Commentait à ce sujet Simone Signoret. Le trio principal est complété par Paul Meurisse qui incarnera Michel Delasalle. Noël Roquevert jouera le locataire de province de Simone Signoret. Charles Vanel, qui avait remporté le prix d’interprétation masculine pour sa prestation dans Le Salaire de la Peur, remp
ile dans le rôle d’un inspecteur de police à la retraite. Michel Serrault complètera le casting et incarnera un enseignant de l’institut Delassalle.
Le tournage débute le 18 août 1954 aux studios de Saint Maurice et, en extérieur, entre le château de l’Etang-la-Ville, à Montfort-l’Amaury, et Niort. Perfectionniste, exigeant, tyrannique, le cinéaste va voir naître, à partir de ce film, sa légende noire. « L’ambiance sur le plateau n’était pas à la rigolade, Clouzot était un grand metteur en scène, exigeant, tyrannique, qui ne détestait pas user d’un fond de perversité pour obtenir le résultat qu’il souhaitait devant l’objectif. » Confirmera, à son sujet, Michel Serrault. Véra, son épouse, en fait les frais, Clouzot ayant demandé à son partenaire de lui flanquer de vraies gifles, elle recevra des claques appuyées de Meurisse. Le tournage sera prétexte à un exutoire sado-masochiste pour le couple empoisonné par la jalousie.
Le film est encensé dés sa sortie, et la critique est unanime : Le cinéaste moraliste ausculte ses contemporains avec une lucidité de misanthrope.
Un mois après la première de la Vérité, Véra, qui l’aura une nouvelle fois conseillé puis aidé à l’écriture, est retrouvée morte, victime d’une crise cardiaque dans sa chambre d’hôtel du George V.
Clouzot ne s’en remettra jamais, touché par la dépression, il succombera, à son tour à une crise cardiaque en 1977.
L’histoire : Michel Delasalle est un homme méprisable, tyrannique et odieux. Il dirige un pensionnat de garçons secondé par son épouse Christina et sa maîtresse. Il a l’habitude d’humilier devant le personnel les deux femmes. Poussées à bout, elles mettent au point un plan pour l’assassiner. Après l’avoir drogué, elles le noient dans une baignoire avant de jeter le corps dans une piscine. Pour autant, les deux femmes sont loin de trouver la paix qu’elles espéraient.
Quelque temps après, le cadavre disparaît et d’étranges phénomènes se produisent. Un commissaire retraité, Fichet, s’intéresse à l’affaire…
Avec les diaboliques, Clouzot réussit avec brio à dépoussiérer les codes du Polar, tout en observant les névroses de ses personnages, et ainsi jouer avec les attentes du spectateur. Un film à découvrir, ne serait-ce que pour le charisme de Simone Signoret. Un film à suspense, prenant, avec des acteurs en parfaite maîtrise, et une savante capacitée à mélanger les genres pour donner une âme toute particulière à ces Diaboliques.